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Carte blanche - Soins de santé en prison : une urgence éthique et politique
Cette carte blanche a été co-écrite par Marion Guémas de l’asbl I.Care, Lise Meunier du Réseau Hépatite C & Kris Meurant de l’asbl Transit.
Hier, nous diffusions le témoignage de plusieurs médecins actifs en prison qui dénoncent l’impossibilité de soigner correctement les détenus. Aujourd’hui, plusieurs associations actives dans l’univers carcéral publient une carte blanche au nom évocateur : "Soins de santé en prison : une urgence éthique et politique".
Manque de moyens et de temps pour soigner leurs patients, glissements déontologiques, brèches dans le secret médical, tous ces éléments ont été dénoncés par le docteur Brecht Vrebrugghe. Celui-ci a envoyé un large dossier au Conseil de l’ordre dans l’espoir de faire changer les choses.
Aujourd’hui, de nombreuses associations actives dans le milieu carcéral espèrent que ce témoignage servira d’électrochoc : "Nous partageons pleinement les constats des soignants. Nous les observons chaque jour dans nos missions. Nous rencontrons des femmes et des hommes pendant leur détention, lors de leurs congés pénitentiaires, ou encore à leur sortie : tous les jours, nous sommes confronté∙es aux atteintes portées à leurs droits, à leur santé, à leur dignité".
Les signataires de la carte blanche vont même plus loin : "Ce que nous affirmons aujourd’hui, c’est que l’organisation du système carcéral belge empêche de soigner. Et cela a des conséquences graves : sur les personnes détenues, sur les soignant∙es, mais aussi sur la société tout entière".
Les associations ajoutent que la "case prison" pourrait même être une opportunité : "La prison est parfois le seul moment où des personnes en grande précarité entrent en contact avec des professionnels de santé : elle représente une opportunité de réaffiliation aux soins, avec un bénéfice à la fois individuel et collectif".
Transfert du SPF Justice vers le SPF Santé
Comme le docteur Brecht Verbrugghe et d’autres médecins qui ont témoigné anonymement, les signataires de la carte blanche appellent au transfert de compétences du SPF Justice vers le SPF Santé pour, écrivent-ils, "permettre d’amorcer un changement de culture : sortir d’une logique de contrôle pour entrer dans une logique de soin".
Ceci dit, les médecins et ces associations savent que ce transfert ne sera pas la solution unique et magique. Il faut également "des moyens humains et financiers suffisants, des formations spécifiques aux réalités carcérales, une reconnaissance du rôle des services externes, un renforcement des espaces de réflexion et des autorités de contrôle qui sont indispensables pour garantir l’éthique des soins".
Réaction de l’administration et de la ministre
Dans un communiqué, l’administration pénitentiaire a rappelé être favorable au transfert de compétences vers le SPF Santé : "En ce qui nous concerne, cela pourrait certainement devenir rapidement une réalité". Et d’ajouter : "Le contexte et la sécurité devront toujours être pris en compte, mais le fait que les soins médicaux et les médecins soient gérés par la Santé Publique est tout à fait cohérent".
De son côté, la ministre de la Justice, Annelies Verlinden, a également réagi à ces témoignages de médecins. Elle précise que des discussions sont en cours avec le ministre de la Santé. Et affirme souhaiter œuvrer en faveur d’une détention humaine au cours de cette législature.
Cette carte blanche a été co-écrite par Marion Guémas de l’asbl I.Care, Lise Meunier du Réseau Hépatite C & Kris Meurant de l’asbl Transit. Et co-signée par les associations Belgique Acat, Apres, Cap-iti asbl, Féda, Fidex, la Liaison antiprohibitionniste, Médecins du Monde, La Ligue des droits humains, Infor Drogues et l’OIP, l’observatoire international des prisons.