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La loi drogues a 100 ans : “Unhappy Birthday”

La loi drogues a 100 ans : “Unhappy Birthday”

22 février 2021

Le 24 février 1921 entrait en vigueur la Loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques. Les collectifs #STOP1921, côté francophone, et SMART on Drugs, côté flamand, qui représentent des dizaines d’associations et des milliers de citoyens, unissent leurs forces au sein de la campagne « Unhappy Birthday » pour commémorer ce funeste anniversaire et réduire la fracture entre cette loi séculaire et la société contemporaine. C’est pourquoi ils appellent à la création d’un groupe de travail parlementaire afin d’évaluer cette loi.

Cette loi fondatrice constitue aujourd’hui encore le socle de la politique belge en matière de drogues. Certes, la loi drogues de 1921 a été aménagée ici ou là au moyen de modifications, d’arrêtés royaux et de circulaires, mais elle demeure depuis un siècle essentiellement pénale et donc punitive.

Au vu des connaissances scientifiques limitées de l’époque, on peut comprendre que les architectes de la loi d’alors aient pu croire au concept d’une éradication totale de la production et de la consommation de drogues. Le mirage d’un monde sans drogues semblait encore à portée de main.

Cependant, les études scientifiques, les enseignements pratiques et l’expérience accumulés depuis lors ne peuvent plus être ignorés. Cette loi protège-t-elle la santé publique des citoyens ? Limite-t- elle la consommation et la disponibilité des drogues illégales ? Entrave-t-elle le fonctionnement et l’enrichissement des organisations criminelles ? A toutes ces questions, la réponse est non.

En dépit des moyens colossaux mis en œuvre, il n’existe aucun endroit au monde où la guerre contre les drogues a eu raison du trafic et de la consommation de stupéfiants. L’augmentation des saisies ne perturbe en rien le marché illégal mais florissant des substances déclarées hors-la-loi. Le blanchiment de l’argent de la drogue gangrène l’économie régulière et suscite la corruption. La stigmatisation et la criminalisation compliquent l’accès aux soins pour les usagers qui en ont besoin et les poussent davantage dans la marginalisation et dans la délinquance. Des dispositifs sanitaires efficaces comme les salles de consommation à moindre risque, la réduction des risques ou le testing de produits se heurtent aux barrières législatives. Enfin, les budgets alloués à l’information et à la prévention restent dérisoires au regard de l’argent public englouti dans la répression et le traitement judiciaire.

Un nombre croissant de pays commence à tenir compte de tous ces constats. De nombreux États américains ont légalisé le cannabis pour l’usage thérapeutique et/ou récréatif, et plusieurs villes ont décriminalisé la détention et l’usage des substances psychédéliques. Les électeurs de l’Oregon ont même voté, en marge de la dernière élection présidentielle, en faveur de la décriminalisation de l’usage de toutes les substances prohibées.

Plus près de nous, en Europe, le Portugal a également décriminalisé dès 2001 l’usage de toutes les drogues, avec des résultats encourageants en matière de santé publique et de réduction de la criminalité. Nos voisins néerlandais, qui se sont longtemps cantonnés à une politique de tolérance envers l’usage et la vente de cannabis, se mettent à expérimenter sa production réglementée. Le Luxembourg, enfin, s’apprête lui aussi à réglementer le cannabis.

Au vu de l’évolution des connaissances scientifiques et des nombreux exemples internationaux, on pourrait s’attendre à ce que la classe politique belge s’empare du dossier et s’attelle à l’élaboration d’une politique drogues moderne et humaine. Pourtant rien ne semble bouger, c’est pourquoi #STOP 1921 et SMART on Drugs ont choisi de commémorer ce « Unhappy Birthday » en lançant une campagne qui vise à sensibiliser le public et les élus à la nécessité d’évaluer notre politique en matière de drogues sur des bases scientifiques. La création d’un groupe de travail parlementaire à cet effet serait un premier pas. Il devra notamment examiner l’opportunité d’une décriminalisation de l’usage de drogues, mesure au coût quasi nul, et qui a prouvé son efficacité là où elle a été tentée. Il pourra également se pencher sur une possible légalisation du cannabis, une réforme qui peut se faire selon divers modèles. Dans la foulée, il devrait également élaborer enfin un plan pour mieux réglementer l’alcool, qui reste la drogue qui fait le plus de dégâts dans notre société. Les options sont nombreuses, mais tout vaux mieux qu’un immobilisme qui dure depuis un siècle et coûte des vies humaines.

La campagne “Unhappy Birthday” sera menée sur le site web (bilingue) unhappybirthday.be et sur les médias sociaux. Le site sera lancé ce 24 février, date anniversaire de la loi, et durera toute cette année. Il rassemblera un nombre croissant de messages, sous forme de constats, de chiffres, de témoignages, de remises en question d’idées reçues ou de propositions. Ces messages seront au nombre de 100 à la fin de la campagne, pour symboliser ce 100e anniversaire.

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Prisons : réduction des risques, une politique en sursis (2020)
Auteur(s) : MEURANT, K. ; POULIN, J. ; VALKENEERS, B.
Dans : Addiction(s) : recherches et pratiques (n°5, Décembre 2020)
Année : 2020
Page(s) : 24-27
Langue(s) : Français
Domaine : Drogues illicites / Illicit drugs
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Les plumes Antiprohibitionnistes

Kris Meurant
Membre du CA
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