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Repenser l’usage de substances : 5 vérités qui vont vous étonner

Repenser l’usage de substances : 5 vérités qui vont vous étonner

Mardi, Juillet 16, 2019 Sociologie Politique Drogues

5 juillet 2019

Traduction de l’article : https://psychedelictimes.com/rethinking-substance-use-5-truths-will-blow-mind/ par Olivier Taymans, membre de Liaison Antiprohibitionniste.

https://psychedelictimes.com/new-history-channel-series-unveils-dirty-secrets-americas-war-drugs/

Alors que l’immense échec et les véritables origines de la guerre aux drogues deviennent de plus en plus patents, il est temps de reconsidérer tout ce que nous savons au sujet des substances psychotropes. Tandis que les antidouleurs sur ordonnance nourrissent l’épidémie mortelle des opioïdes, et que le cannabis et les psychédéliques sont de plus en plus reconnus pour leurs bienfaits et leur potentiel thérapeutique, nous sommes entrés dans un paradigme entièrement nouveau en matière de drogues et d’usage de drogues. En un sens, nous nous retrouvons dans un vide s’agissant de notre conception culturelle des substances et de l’attitude adéquate à avoir à leur égard sur le plan moral et légal. Les drogues sont-elles dangereuses en elles-mêmes, ou est-ce le comportement humain qui est dangereux ? Pourquoi les produits sur ordonnance tuent-ils plus que les drogues illégales ? Et comment pouvons-nous réduire efficacement les dommages liés à la dépendance aux drogues ?

Les réponses risquent de vous surprendre.

1. Nous sommes les drogues

Salvador Dali disait : « Je ne prends pas de drogue, je suis la drogue. » S’il décrivait ainsi (assez justement) l’essence de son art surréaliste, il relevait aussi ce faisant un fait fondamental de la neurochimie humaine. Des substances psychotropes modifiant l’esprit et l’humeur, comme la sérotonine, la dopamine, l’ocytocine, et même la DMT, sont naturellement produites dans le corps, et le fait de prendre des substances psychoactives n’est qu’une façon parmi d’autres d’influencer l’activité que celles-ci exercent dans notre organisme. La modification de la conscience peut résulter de la conduite de voitures de course, de l’ingestion d’un repas, d’une soirée passée devant la télé-réalité, d’une séance de sport, du fait de tomber amoureux, de la méditation ou de l’écoute d’un opéra. Nous sommes constamment en train de modifier notre conscience, à petite et à grande échelle, car notre esprit et notre corps sont faits pour ça, et produisent toutes les substances chimiques nécessaires à un éventail quasi infini d’expériences subjectives.

2. Les drogues font partie de l’histoire humaine depuis l’époque préhistorique

Le fait que les humains ont un attrait intrinsèque pour la modification de la chimie cérébrale est une notion importante qu’il vaut mieux accepter plutôt que de la stigmatiser de manière sélective. Différentes sociétés ont intégré certaines substances à leur culture et en ont ostracisé ou ignoré d’autres, mais l’idée d’une société sans drogues est ridicule car « nous sommes les drogues » : nous tolérons déjà l’alcool, le sucre, le tabac, la caféine, et les médicaments sur ordonnance comme les benzodiazépines, les stimulants et les opioïdes. Condamner l’usage de substances est aussi ridicule que de condamner la musique, la danse ou le café, et c’est néfaste car cela substitue la propagande aux faits, et cela entraîne la désinformation et une méfiance fondamentale envers les leaders d’opinion de la société. Accepter la simple vérité que la consommation de substances est une part naturelle de l’humanité, et ce depuis plus de 5.000 ans, peut contribuer à nous mener à des politiques rationnelles axées sur la sensibilisation et la réduction des risques.

3. La grande majorité de la consommation de substances illégales ne pose pas de problème

Le docteur Carl Hart, neuroscientifique réputé et spécialiste de la toxicomanie, a fait des vagues ces dernières années en soulignant un fait très gênant pour les partisans de la war on drugs : la grande majorité de la consommation de drogues illégales, même lorsqu’il s’agit de substances comme l’héroïne ou le crack, est non problématique. Suite à des décennies de recherche, le Dr Hart a conclu que 80 à 90% des personnes qui consomment des substances illicites ne sont pas dépendantes, et sont au contraire des citoyens productifs qui travaillent et paient leurs factures. Voici ce qu’il en conclut : « Cessez d’exagérer les effets néfastes des drogues, et apprenez aux gens à les utiliser en toute sécurité. Apprenez aux gens à ne pas faire d’excès, comme nous le faisons avec l’alcool. » Sa référence à l’alcool est frappante, car elle illustre le fait que notre culture intègre déjà une substance addictive et mortelle, qui n’entraîne pourtant pas ou peu de dommages pour ceux qui y sont sensibilisés et qui la consomment de manière responsable.

4. La « guerre aux drogues » était en réalité une guerre aux opposants politiques

Comme nous l’avons expliqué en détail dans un précédent article, il s’est avéré ces dernières années que la guerre aux drogues était en réalité un écran de fumée pour masquer une guerre contre les militants progressistes. L’impact de près de 50 ans de propagande antidrogues a été énorme, et même pour ceux qui ont cherché et trouvé les faits que cachait la propagande, cela reste difficile de secouer entièrement la peur, la honte et le sentiment de tabou si profondément ancrés qui entourent les drogues illégales. Tout comme pour l’alcool, la cigarette ou les médicaments sur ordonnance, il est toujours crucial d’avoir vis-à-vis des substances psychotropes une attitude de modération et d’être correctement informé des risques et contre-indications. Il ne fait plus aucun doute que notre ostracisme sélectif envers les drogues était basé sur un mensonge, et le temps est venu d’adopter une approche sensée et scientifiquement étayée, qui réduise les risques plutôt que de les exacerber.

5. Les médicaments sur ordonnance tuent davantage de gens que les drogues illégales

Contrairement aux idées reçues, les médicaments sur ordonnance tuent davantage de gens chaque année que toutes les « drogues de rue » illégale prises ensemble. De plus, d’après une étude gouvernementale qui date de 2008, on estime que 20% des Américains ont abusé de médicaments sur ordonnance à un moment de leur vie, chiffre effarant et trop souvent passé sous silence. L’ironie et l’absurdité de notre approche culturelle vis-à-vis des drogues – diaboliser des substances qui ont un immense potentiel thérapeutique, comme le cannabis et les psychédéliques, tandis que de larges proportions de la population abuse d’alcool, de tabac et de médicaments – ont un côté tragicomique, et pourraient prêter à rire s’il n’y avait ces millions de vie perdues ou marquées à jamais par cette conception aberrante. Il est nettement plus sensé, par exemple, d’administrer du cannabis à des patients en souffrance qui le désireraient, plutôt que de les renvoyer chez eux avec une fiole remplie d’opioïdes. Heureusement, les patients et les décideurs commencent à s’en rendre compte.

Conclusion

Maintenant que nous réalisons que notre vision culturelle des substances était bornée, propagandiste et contreproductive, que pouvons-nous faire ? La perspective la plus radieuse en matière de politique des drogues est la réduction des risques, une approche non idéologique qui accepte l’idée que la consommation de drogues existe et recherche les moyens les plus efficaces d’en réduire les effets délétères. La dépendance aux substances légales et illégales est un problème réel pour des millions de personnes, mais des traitements très efficaces se profilent à l’horizon, comme la thérapie à l’ibogaïne ou le traitement à l’héroïne, qui s’avèrent prometteurs dans les pays suffisamment larges d’esprit pour les autoriser. Si vous souhaitez soutenir ce mouvement, vous pouvez y participer en « sortant du placard » et en parlant franchement de vos expériences avec les psychédéliques et/ou d’autres substances, en faisant des dons à des organismes de réduction des risques ou de recherche comme MAPS et DanceSafe, et en soutenant des législations comme la légalisation du cannabis ou les projets pilotes pour l’ibogaïne.

Si en tant que culture, nous pouvons choisir de privilégier la vérité plutôt que la dissonance cognitive, et la science plutôt que la résistance idéologique, nous serons capables de créer un nouveau paradigme de l’usage de substances qui sauvera de nombreuses vies, intégrera les connaissances scientifiques et produira des résultats réels.

Wesley Thoricata / psychedelictimes.com

Traduction de l’article : https://psychedelictimes.com/rethinking-substance-use-5-truths-will-blow-mind/ par Olivier Taymans, membre de Liaison Antiprohibitionniste.

Nous avons conservé tous les liens de l’article original, qui renvoient à des pages en anglais.

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Prisons : réduction des risques, une politique en sursis (2020)
Auteur(s) : MEURANT, K. ; POULIN, J. ; VALKENEERS, B.
Dans : Addiction(s) : recherches et pratiques (n°5, Décembre 2020)
Année : 2020
Page(s) : 24-27
Langue(s) : Français
Domaine : Drogues illicites / Illicit drugs
AUTEUR·ICE·S

Les plumes Antiprohibitionnistes

Kris Meurant
Membre du CA
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Jerome Poulin
Ancien membre du CA
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Bruno Valkeneers
Ancien coordinateur
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